La notion de psychopédagogie
est de nouveau un terme à la mode. Nous pouvons y mettre à peu près tout et
n'importe quoi, même prétendre qu'elle peut être positive. Faisons un petit rappel historique :
Seclet-Riou (1951, p.80) nous dit
que jusqu’en 1944 « l’enseignement
secondaire ne reconnait pas la nécessité de tenir compte de la psychologie de
l’élève ».
Pour Laffont (1950, p.6), « le champ
d’action de la psycho-pédagogie médico-sociale se situe aux limites des champs
d’action de l’Education Nationale, de la Santé et de la Justice, entre le
normal et le pathologique, entre le régulier et l’irrégulier, dans un
territoire de frontières, mais sans frontières précises. Aussi, ceux qui s’y
trouvent prennent-ils bien souvent figure de contrebandiers de l’enseignement
ou de la médecine, voire de la justice, et l’on serait tout disposé à les
rejeter comme des indésirables. »
Pour Hervé (1994, p.112), « la
psychopédagogie semble donc émerger comme discipline relais prenant en charge,
recherche-action, la rencontre entre psychologie et pédagogie, mais plus encore
comme psychologie de l’éducation à proprement parler, tant sur le versant
cognitif que sur le versant affectif. » Récemment, pour Mialaret
(2004, p 11), « par
psychopédagogie on peut entendre soit une théorie, soit une méthode, soit un
ensemble de pratiques pédagogiques qui se réfèrent, soit pour les fonder, soit
pour les expliquer, soit pour les mettre en œuvre sur le plan de l’action, aux
données de la psychologie de l’éducation. »
La psychopédagogie, « discipline
charnière » (Léon, 1966), entre la psychologie et de la pédagogie
tente de comprendre et de permettre aux apprenants d’entrer dans les
apprentissages. Elle permet, par une approche globale, de définir des actions qui
prennent en considération l’ensemble de la personne pour l’amener à accéder aux
apprentissages. Elle demande à l’enseignant, le formateur, de se placer dans
une démarche d’analyse et de compréhension des difficultés d’apprentissage en
ouvrant le champ de sa réflexion au-delà de sa matière, au-delà de son champ de
connaissances disciplinaires.
Elle se situe donc au
carrefour de plusieurs théories (psychologie du développement, cognitive,
analytique, pédagogie active, de projet…). Elle ne correspond à aucune de ces
théories mais elle les intègre et les unit. Cependant, selon le lieu, les
auteurs, elle peut avoir une orientation préférentielle différente, en fonction
de l’approche dominante qu’elle emprunte à la psychologie, voire à la
psychanalyse. Pour
Deloncle (1972), la psychologie intervient soit avant, soit pendant,
soit après la mise en oeuvre de la pédagogie (adapter les programmes aux
possibilités des enfants, connaitre les effets psychiques de la
pédagogie sur le comportement et la mentalité des élèves, étude directe
et vivante des actions et réactions des élèves au contact de la
pédagogie).
Au Canada, le Modèle d’Apprentissage et d’Intervention
Psychopédagogique (Bédard, Gagnon, Lacroix et Pellerin, 2002) est davantage
porté sur les recherches cognitives et notamment des travaux de Lussier et
Flessas (2009). Vianin (2016), en Suisse, parle de « psychopédagogie
cognitive ». En France, elle s’est davantage développée autour du corpus
théorique de la psychanalyse (Boimare, 2004 ; Mauco 1967, 1975), historiquement
liée à la pédagogie curative, pédagogie développée dans les premiers CMPP
(Rosenblum, 1961).
Pour Billotte (2015), ce compagnonnage, dans
les CMPP, entre la pédagogie et la psychanalyse a pu être source de
malentendus. Il poursuit (p. 113) :« En effet, ce double
éclairage laisserait entendre que la psychopédagogie pourrait être une pédagogie
de l’intime, sur le sujet, aux dépens de la socialisation et de l’entrée dans
la culture. » Ce rapport peut paraitre ambigu quelle que soit
l’inspiration psychologique liée à la psychopédagogie. Mais comme le rappelle Serge Boimare
(2005, p. 71), « je suis pleinement d’accord pour dire que mon rôle
d’enseignant consiste à travailler les fondamentaux, à donner des repères de
base, à améliorer les outils pour penser et apprendre, mais je veux aussi dans
le même temps que l’on me précise comment le faire avec des enfants qui
n’écoutent pas lorsque je leur parle. »
En résumé : ce terme a toujours été une
notion problématique (Philip, 2011), "il a toujours été
difficile de formuler une définition de la psychopédagogie et qui de surcroit
fasse consensus" (Mattesco, 2018) sans compter "que
psychologie et pédagogie se conjuguent au pluriel." (Philip,
2011).
Nous n'essayerons pas de proposer une autre définition de la psychopédagogie mais quelques pistes pour orienter la mise en place d'actions psychopédagogiques dans les classes :
- Avoir des notions sur les aspects psychologiques du développement des élèves ,
- Porter un intérêt à l'environnement de la classe et de l'élève,
- Analyser ses actions pédagogiques et les réactions des élèves (mode chercheur),
- Prendre conscience de l'importance de l'effet maître (sa personnalité et sa relation avec ses élèves).
Cédric MATTESCO
Bibliographie :
-Bédard J.- L., Gagnon
G., Lacroix L., Pellerin F. (2002) Modèle d’Apprentissage
d’Intervention
Psychopédagogique - Tome 1 : les styles d’apprentissage. Victoriaville :
Psychocognition BGLP.
-Billote G.
(2015). La psychopédagogie, une aide essentielle à la scolarisation
des enfants en
difficulté. Contraste 2(42), p. 111-126. Doi 10.391/cont.0420111
-Boimare S. (2004). L’enfant
et la peur d’apprendre. Paris : Dunod.
-Boimare S. (2005).
Peur d’apprendre et échec scolaire. Enfances & Psy, 3(28),
69-77. doi
10.3917/ep.028.0069.
-Deloncle J; (1972). Orientations actuelles de la psycho-pédagogie. Toulouse : Privat.
-Hervé T. (1994). La
Psychopédagogie : une discipline vagabonde.
Revue française de
pédagogie, (vol.107), p. 109-121.
-Lafon R (1950).Psycho-pédagogie
médico-sociale. Paris : PUF.
-Léon A. (1966).
Psychologie et action éducative : la notion de psychopédagogie.
L’année psychologique, 66(2),461-474.
doi 10.3406/psy.1966.27526.
-Mattesco C. (2018). L'échec
scolaire des adolescents et des jeunes adultes : comprendre et intervenir
-Quand les émotions influencent la motivation à apprendre. Nevers :C.MATTESCO.
-Mauco G. (1967). L'inadaptation scolaire et sociale et ses remèdes. Paris : Armand colin
-Mialaret G. (2004). La
psychopédagogie. Paris : PUF.
-Philip A. (2011). Psychopédagogie : une
notion problématique. I.N.S.H.E.A. La nouvelle revue de l’adaptation et de
la scolarisation 2011, 2(54), 103-108. Repéré à
https://www.cairn.info/revue-la-nouvelle-de-l-adaptation-et-de-la-scolarisation-2011-2-page-103.htm
-Rosenblum E. (1961). Le
développement de la pédagogie curative.
Enfance, 14(2), 165-178.
doi 10.3406/enfan.1961.2260.
-Seclet-Riou F. (1951).
La psychopédagogie et les réformes de l’enseignement.
Enfance,
4(1), p. 77-91. doi 10.3406/enfan.1951.1172.
- Vianin P. (2016). Comment
développer un processus d’aide pour les élèves en difficulté ?
Bruxelles : De
Boeck.
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