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dimanche 9 décembre 2018

La psychopédagogie


La  notion de psychopédagogie est de nouveau un terme à la mode. Nous pouvons y mettre à peu près tout et n'importe quoi, même prétendre qu'elle peut être positive. Faisons un petit rappel historique :

Seclet-Riou (1951, p.80) nous dit que jusqu’en 1944 « l’enseignement secondaire ne reconnait pas la nécessité de tenir compte de la psychologie de l’élève ».  

Pour Laffont (1950, p.6), « le champ d’action de la psycho-pédagogie médico-sociale se situe aux limites des champs d’action de l’Education Nationale, de la Santé et de la Justice, entre le normal et le pathologique, entre le régulier et l’irrégulier, dans un territoire de frontières, mais sans frontières précises. Aussi, ceux qui s’y trouvent prennent-ils bien souvent figure de contrebandiers de l’enseignement ou de la médecine, voire de la justice, et l’on serait tout disposé à les rejeter comme des indésirables. »  

Pour Hervé (1994, p.112), « la psychopédagogie semble donc émerger comme discipline relais prenant en charge, recherche-action, la rencontre entre psychologie et pédagogie, mais plus encore comme psychologie de l’éducation à proprement parler, tant sur le versant cognitif que sur le versant affectif. » Récemment, pour Mialaret (2004, p 11), « par psychopédagogie on peut entendre soit une théorie, soit une méthode, soit un ensemble de pratiques pédagogiques qui se réfèrent, soit pour les fonder, soit pour les expliquer, soit pour les mettre en œuvre sur le plan de l’action, aux données de la psychologie de l’éducation. »


La psychopédagogie, « discipline charnière » (Léon, 1966), entre la psychologie et de la pédagogie tente de comprendre et de permettre aux apprenants d’entrer dans les apprentissages. Elle permet, par une approche globale, de définir des actions qui prennent en considération l’ensemble de la personne pour l’amener à accéder aux apprentissages. Elle demande à l’enseignant, le formateur, de se placer dans une démarche d’analyse et de compréhension des difficultés d’apprentissage en ouvrant le champ de sa réflexion au-delà de sa matière, au-delà de son champ de connaissances disciplinaires.

Elle se situe donc au carrefour de plusieurs théories (psychologie du développement, cognitive, analytique, pédagogie active, de projet…). Elle ne correspond à aucune de ces théories mais elle les intègre et les unit. Cependant, selon le lieu, les auteurs, elle peut avoir une orientation préférentielle différente, en fonction de l’approche dominante qu’elle emprunte à la psychologie, voire à la psychanalyse. Pour Deloncle (1972), la psychologie intervient soit avant, soit pendant, soit après la mise en oeuvre de la pédagogie (adapter les programmes aux possibilités des enfants, connaitre les effets psychiques de la pédagogie sur le comportement et la mentalité des élèves, étude directe et vivante des actions et réactions des élèves au contact de la pédagogie).


http://www.dunod.com/auteur/serge-boimareAu Canada, le Modèle d’Apprentissage et d’Intervention Psychopédagogique (Bédard, Gagnon, Lacroix et Pellerin, 2002) est davantage porté sur les recherches cognitives et notamment des travaux de Lussier et Flessas (2009). Vianin (2016), en Suisse, parle de « psychopédagogie cognitive ». En France, elle s’est davantage développée autour du corpus théorique de la psychanalyse (Boimare, 2004 ; Mauco 1967, 1975), historiquement liée à la pédagogie curative, pédagogie développée dans les premiers CMPP (Rosenblum, 1961).   Pour Billotte (2015), ce  compagnonnage, dans les CMPP, entre la pédagogie et la psychanalyse a pu être source de malentendus. Il poursuit (p. 113) :« En effet, ce double éclairage laisserait entendre que la psychopédagogie pourrait être une pédagogie de l’intime, sur le sujet, aux dépens de la socialisation et de l’entrée dans la culture. » Ce rapport peut paraitre ambigu quelle que soit l’inspiration psychologique liée à la psychopédagogie. Mais comme le rappelle Serge Boimare (2005, p. 71), « je suis pleinement d’accord pour dire que mon rôle d’enseignant consiste à travailler les fondamentaux, à donner des repères de base, à améliorer les outils pour penser et apprendre, mais je veux aussi dans le même temps que l’on me précise comment le faire avec des enfants qui n’écoutent pas lorsque je leur parle. »


En résumé : ce terme a toujours été une notion problématique (Philip, 2011), "il a toujours été difficile de formuler une définition de la psychopédagogie et qui de surcroit fasse consensus" (Mattesco, 2018) sans compter "que psychologie et pédagogie se conjuguent au pluriel." (Philip, 2011).  

Nous n'essayerons pas de proposer une autre définition de la psychopédagogie mais quelques pistes pour orienter la mise en place d'actions psychopédagogiques dans les classes :

- Avoir des notions sur les aspects psychologiques du développement des élèves , 
- Porter un intérêt à l'environnement de la classe et de l'élève,
- Analyser ses actions pédagogiques et les réactions des élèves (mode chercheur), 
- Prendre conscience de l'importance de l'effet maître (sa personnalité et sa relation avec ses élèves).


Cédric MATTESCO

Bibliographie :

-Bédard J.- L., Gagnon G., Lacroix L., Pellerin F. (2002) Modèle d’Apprentissage 
d’Intervention Psychopédagogique - Tome 1 : les styles d’apprentissage. Victoriaville : Psychocognition BGLP.

 -Billote G. (2015). La psychopédagogie, une aide essentielle à la scolarisation
des enfants en difficulté. Contraste 2(42), p. 111-126. Doi 10.391/cont.0420111

-Boimare S. (2004). L’enfant et la peur d’apprendre. Paris : Dunod. 

-Boimare S. (2005).  Peur d’apprendre et échec scolaire. Enfances & Psy, 3(28),
 69-77. doi 10.3917/ep.028.0069. 

-Deloncle J; (1972). Orientations actuelles de la psycho-pédagogie. Toulouse : Privat.

-Hervé T. (1994). La Psychopédagogie : une discipline vagabonde.  
Revue française de pédagogie, (vol.107), p. 109-121. 

-Lafon R (1950).Psycho-pédagogie médico-sociale. Paris : PUF.   

-Léon A. (1966). Psychologie et action éducative : la notion de psychopédagogie.  
L’année psychologique, 66(2),461-474. doi 10.3406/psy.1966.27526.   

-Mattesco C. (2018). L'échec scolaire des adolescents et des jeunes adultes : comprendre et intervenir -Quand les émotions influencent la motivation à apprendre. Nevers :C.MATTESCO. 

-Mauco G. (1975). L'évolution de la psychopédagogie - L'action de centre psyhcopédagogiques scolaires. Pour une mutation psychanalytique de la pédagogie. Toulouse : Privat. 

-Mauco G. (1967). L'inadaptation scolaire et sociale et ses remèdes. Paris : Armand colin

-Mialaret G. (2004). La psychopédagogie. Paris : PUF.  

-Philip A. (2011). Psychopédagogie : une notion problématique. I.N.S.H.E.A. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation 2011, 2(54), 103-108. Repéré à https://www.cairn.info/revue-la-nouvelle-de-l-adaptation-et-de-la-scolarisation-2011-2-page-103.htm

-Rosenblum E. (1961). Le développement de la pédagogie curative.  
Enfance, 14(2), 165-178. doi 10.3406/enfan.1961.2260.

-Seclet-Riou F. (1951). La psychopédagogie et les réformes de l’enseignement. 
 Enfance, 4(1), p. 77-91. doi 10.3406/enfan.1951.1172.

- Vianin P. (2016). Comment développer un processus d’aide pour les élèves en difficulté ? 
Bruxelles : De Boeck. 

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